L’Ouvroir, présentation du thème « la nomination »
Auteur: DELBOS Françoise
L’Ouvroir, présentation du thème « la nomination »
L’Ouvroir, présentation du thème « la nomination »
Le 13/10/19
Nous avons donc choisi comme thème de travail, pour cette année au moins, la question de la nomination. Pourquoi ? Cela nous est apparu comme un thème crucial, d’une part parce qu’il est essentiel dans le choix de notre association d’avoir un dispositif de passe avec nomination, et d’autre part parce qu’il est au cœur de tout un faisceau de questions que nous serons sans doute amenés à aborder lors de ces séances de travail.
Tout d’abord, il faut constater que toutes les associations de psychanalyse issues de la dissolution de l’EFP et se réclamant de l’enseignement de Lacan n’ont pas adopté la passe.
Mais parmi celles qui nous intéressent plus précisément et qui se sont dotées d’un dispositif de passe, il existe une grande disparité concernant les enjeux liés à cette passe : certaines associations ont choisi de faire une procédure avec nomination, et d’autres non : quels sont leurs arguments ?
Puis, il y a des cultures de la passe différentes selon les associations. Ceci est repérable d’autant plus au Pari de Lacan que le plus-un des cartels de passe est systématiquement extérieur à notre association et se présente avec ses propres représentations de ce qu’est une passe, de ce qui en est attendu, de ce qui doit être nommé.
Ceci permet de dégager quelques axes pour aborder la question de la nomination.
Le premier axe porterait sur le lien à interroger entre la passe et la nomination :
- L’enjeu de la passe est-il la nomination ?
- L’enjeu de la passe n’est-il que la nomination ?
- Se présente-t-on à la passe pour la nomination ? quels peuvent en être les autres motifs ?
- pourquoi et pour quoi nomme-t-on ?
Le deuxième axe pourrait regrouper les questions toujours sous-jacentes sur le lien entre nomination et garantie : même si ce lien est souvent démenti, il n’en est pas moins présent dans l’imaginaire du groupe. Je remarque que le Pari de Lacan est, après l’APJL, une des rares sinon la seule association à offrir la parole aux passants dont la passe n’a pas donné lieu à nomination, ce que j’interprète comme une orientation vers la valorisation de l’expérience elle-même plutôt que la nomination. Dans ce 2° axe pourraient être abordées des questions du type de celles-ci :
- Quelle est la différence entre « nommer » et « nommer à » ? Entre nomination et titre ?
- La passe est-elle un examen de fin d’analyse ?et le cartel serait une sorte de jury qui délivrerait une sorte de diplôme ? la nomination peut-elle faire garantie ou est-elle un pari ?
- On peut prendre aussi cette question de la nomination par le biais du rapport au savoir : s’agit-il de vérifier, valider, examiner un parcours analytique ou un positionnement dans le discours analytique au travers des témoignages des passeurs, ce qui placerait le cartel en position de savoir, ou de se laisser enseigner par le passant, ou plutôt par son texte transmis par les deux passeurs et par ce qui lui échappe ? d’essayer d’apprendre quelque chose de cette expérience si singulière que traverse le passant, de lui faire accueil d’en prendre acte quand un savoir nouveau a pu être transmis le savoir là est plutôt du côté du passant, et de ce qu’il ne sait pas savoir.
Un troisième axe relèverait de ce qu’est une nomination :
- Qu’est-ce que nommer ? qu’est-ce que nommer dans une procédure de passe ?
- La nomination relève-t-elle de l’imaginaire, du symbolique ou du réel ?
- Est-elle un nom posé sur la chose ou un dire de l’impossible de cette tentative ?
- Quel est le lien entre la nomination et la construction par le passant d’un sinthome ?
- Qu’est-ce qu’on nomme dans la passe ? est-ce quelqu’un (un individu) ? ou bien « de l’analyste » ? est-ce un point de réel ? ou un acte ? ou l’entendu d’un désir de l’analyste ?
- L’innommable, l’indicible : qu’est-ce qu’il en reste après la nomination ?
- La nomination est-elle pérenne ou ponctuelle ? Est-on ”AE” ad vitam aeternam ? (même si le titre est caduque, selon certaines associations, après un certain temps)
- Mais aussi, à l’inverse, on peut se poser la question de ce que la nomination nous apprend sur le fait de nommer. Nommer quelqu’un peut provoquer des effets d’après coup sur cette personne, comme de ne pas le nommer. Nommer un point de réel modifie forcément le symbolique et l’imaginaire : quelles en sont les incidences sur le passant ? le cartel ? l’association qui soutient le dispositif de passe?
Enfin, le « de l’Ecole » de AE vient interroger ce qu’il en est du fonctionnement inter-associatif…ce peut être un quatrième axe, qui concernerait plus particulièrement le lien entre nomination et association, entre nominations et association
- est-on « AE » de l’association qui a fourni le dispositif de passe ? ou de l’Ecole (comme l’acronyme semble l’indiquer ?!). Mais qu’est-ce que l’Ecole : un espace associatif, ce que semblent penser différentes associations qui ne différencient pas les deux termes ? Ou bien s’agit-il d’un « faire école » (cf. la lettre aux Italiens) qui implique chacun dans son rapport à la psychanalyse ?
- Quel est ce lien avec le “faire école”, si la nomination est “Analyste de l’Ecole”?
- Qu’est-ce que l’association attend de quelqu’un dont la passe a donné lieu à nomination ?
Bien sûr, ces quatre axes ne sont pas disjoints, ils renvoient l’un à l’autre, et cette sorte de classification est seulement une façon de présenter les choses un peu plus clairement, de trouver des fils dans cet écheveau complexe que nous allons essayer de débrouiller ensemble.
On voit donc comment le thème de la nomination est central, c’est un pivot autour duquel foisonnent et se ramifient la plupart des enjeux concernant la passe : enjeux politiques, enjeux de doctrine, enjeux éthiques…
Ce qui nous ramène à ceci : qu’est-ce que Lacan attendait, lui, de la passe ? Et nous, 60 ans plus tard, qu’en attendons-nous? Comment pouvons-nous nous emparer de cette invention, de cet outil formidable, pour essayer de préserver le souffle dont s’anime la psychanalyse (et qui l’écarte du discours universitaire) dans ce qui peut s’en transmettre au titre d’un savoir toujours précaire du côté de la théorie et de ce qui peut s’en renouveler au titre d’une expérience toujours singulière du côté de la clinique?
Françoise Delbos
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